Anis Yarboua
Auteur de fables engagées

L‘Ours de Lünenbach, Histoire de la paresse, Le confinement

Bonjour Anis, vous avez suivi notre formation écrire un livre en février 2020 ; à ce moment-là vous aviez déjà commencé à écrire ? 

À ce moment-là c’était juste pour le plaisir. J’avais pour projet d’écrire un roman ; mais je savais que c’était un projet d’envergure. Alors, j’ai voulu me laisser un peu de temps et ne pas me presser. Et j’avais besoin d’outils.  

Ensuite, j’ai voulu me perfectionner dans l’écriture de scénario car je suis aussi passionné de cinéma. D’ailleurs, j’ai bien aimé les exemples que Sandra donnait dans la formation. Elle s’est inspirée du cinéma, ça me parlait. Et j’ai apprécié aborder les différents archétypes.  

Et pendant cette formation, je faisais en même temps des impros dans des cabarets ou scènes ouvertes à Paris. 

Vous écrivez aussi des textes humoristiques ?  

Oui et j’écris aussi en parallèle des nouvelles ! J’aime bien ce genre car ce sont des histoires courtes avec une chute. J’ai beaucoup aimé les défis Bradbury que SUNSHINE a mis en place pendant le confinement. L’objectif était d’écrire de petites histoires dans un temps imparti. J’ai beaucoup apprécié. 

J’ai également un projet de fanzine en ligne. Le roman est donc une possibilité parmi d’autres… 

Un projet de fanzine ? Pouvez-vous m’en dire plus ? 

Oui, c’est un projet collectif que je monte avec des amis. L’un est journaliste, l’autre dessinateur… chacun amène son envie, son talent. 
C’est en projet pour l’instant. Mais j’aimerais le concrétiser avant la fin de l’année. 

Le roman que vous écrirez sera sur quel thème ? 

Ce sera un roman d’anticipation avec de la dystopie aussi.  

C’est votre univers de prédilection ? 

En fait, je suis parti d’un constat : quand je monte dans un bus, que j’achète un ticket, on me propose d’ajouter au prix pour “compenser mon emprunte carbone”. Comme si je devais quelque chose. Et je suis parti du postulat qu’on demande à un individu de compenser son empreinte sur Terre ! Que pourrait faire le capitalisme de plus saugrenu ? Comme si chacun avait un crédit de consommation carbone qu’il pouvait utiliser.
Et à un moment, on vous dit que vous avez atteint votre limite… 
Dans mon roman, celui qui atteint la limite est transformé en arbre. Il n’y a pas de meilleur moyen pour rendre quelque chose à la Terre ! 

Vous vous interrogez sur ce qui nous entoure, vous poussez à relativiser, faire un pas de côté et observer l’absurde ? 

Oui, mais je choisis de le faire à travers le rire aussi. Par exemple, dans mes impros je peux dire : “et si on faisait payer le soleil ?” “Pourquoi on accepte de payer l’eau alors que c’est naturel ! C’est absurde, ça appartient à tout le monde !” Voici mon procédé de base.  

Vous menez donc un travail autour de la conscience écologique, la philosophie, notre place dans le monde ?  

Oui ! Et je vais loin dans mon roman car il y en a certains qui se voient transformés en bois de chauffe, d’autres seront voués à finir en papier-toilette ! Et les cimetières collectifs sont de nouvelles forêts… On remplace les solutions individualisées qui ne fonctionnent pas en une solution collective. 

Aujourd’hui, dans le commerce, on se voit proposer des compensations du type : “en échange de votre achat, on plante un arbre”. Sauf que ça ne va servir à rien… C’est juste pour que nous, humains, on se sente mieux… 

On s’achète une bonne conscience en quelque sorte ! 

Oui, et l’écologie peut être politique même inhumaine ! Les gens, on ne leur demande pas leur avis ! Ça peut parfois frôler la dictature !  

Toutes les nouvelles que vous écrivez sont en lien avec l’écologie ? 

Oui, j’aime bien. Mais je parle aussi du rapport au temps et au travail. Je m’inspire beaucoup de cette phrase : “J’adore le travail, je pourrais le regarder pendant des heures…”. Même si j’aime beaucoup mon travail (je suis chargé RH), je m’interroge beaucoup sur son sens. C’est une création de l’homme et nous avons un rapport particulier avec le travail.

Et nous vendons notre temps. Cela veut dire que nous donnons une valeur “argent” à du temps.  
Or, l’argent, on peut en gagner comme on peut en perdre. Sauf que le temps on ne peut qu’en perdre. Donc on échange un bien fluctuant contre une vraie richesse, qui a une valeur inestimable

Oui et on nous laisse croire qu’on a le choix. Or, le travail c’est ce qui nous permet de manger, donc de vivre ! Le postulat de départ est déjà biaisé. 

Oui et à la base, le mot travail vient de tripalium, qui est un instrument de torture. Et on a créé toute une société autour de ça. Cela crée un rapport au temps particulier. Les gens donnent trop de temps au travail. Cet élément est important pour moi. Les gens vivent comme s’ils étaient immortels. Mais on n’a qu’une seule vie et on ne doit pas passer tout ce temps au travail. Ce choix n’est pas anodin, c’est quand même un sacrifice que l’on fait.  

Et cela évolue. Beaucoup de jeunes arrivent et se rendent compte que les métiers de leur rêve ne sont que des “bullshit jobs”, mais on ne le leur a pas dit pendant leurs études. Ils sont en fait surqualifiés ou se sentent très mal au travail et tombent en dépression. 

Oui, la perte de sens a créé de nouveaux maux comme le “brown out” le “bore out”. L’absence de sens peut tuer 

Exactement, les gens en perdent leur humanité, leur vie et leur temps. Et j’essaie de montrer par mes constats les absurdités de la société. 

Par exemple, dans une de mes nouvelles, un homme fait des cauchemars intenses. J’ai été inspiré d’un fait réel : chez Amazon, dans les entrepôts, une alarme sonne quand une commande est passée et elle s’arrête quand la commande est envoyée. Sauf que, comme la cadence est infernale, l’alarme sonne quasiment en continu. Et en fait, la personne est aliénée car elle est toujours sous pression. Dans ma nouvelle, mon héros est sous pression et on ne sait pas ce que c’est cette alarme. Il dort et c’est son réveil mais on n’est jamais sûr de ce que c’est. 

Vous puisez votre inspiration dans votre travail aussi, non ? Étant donné que vous êtes aux ressources humaines ? 

Je m’inspire de mon milieu professionnel mais aussi de l’actualité ! Dès fois il n’y a pas besoin d’inventer car la réalité est plus folle que nous. Je m’inspire aussi du cinéma, forcément, et de la littérature. 

Je suis attentif à ce qui se passe en politique, les nouvelles propositions, la tendance à vouloir tout privatiser par exemple. Ça je l’observe directement à travers mon métier où on tend vers des choses un peu “touchy” aussi parfois.  

J’aime pouvoir avoir des moyens pour dénoncer tout ça ouvertement. Mais, un peu à la manière de La Fontaine, j’aime montrer des choses qui semblent anodines, comme un fait divers. Et à travers mes écrits je vais dénoncer quelque chose en proposant une deuxième lecture…  

Par exemple, lorsque j’ai écrit l’Ours de Lünenbach, je suis parti d’un fait divers qui s’est produit en Allemagne. Un jour, je me suis dit : “j’aimerais bien rendre hommage à l’ours, ce sera lui mon sujet” car il me méritait. Et j’ai fait parler cet ours qui disait “Je veux me libérer de cette prison dans laquelle je n’aurai jamais dû être emprisonné”.  

Plutôt que de faire de la politique trop brute, je préfère arriver avec une histoire que tout le monde peut comprendre

Par exemple l’histoire de l’ours est très simple, elle peut être lue par un enfant. Mais il y a en fait plusieurs degrés de lecture. Après, on va en sortir la moelle et se poser la question : mais pourquoi on en est arrivé là ?  

Je le fais à ma juste mesure, je tends vers cela en tout cas : montrer les absurdités de ce qu’on fait, en passant par des biais très simples.  

Je vais redevenir terre à terre, mais, pourquoi et comment avez-vous trouvé notre formation ?  

Ah mais vous faites bien !  
Je suis passé par le catalogue du CPF. Comme j’étais salarié je pensais ne pas avoir le temps de suivre un cursus complet. Mais avec SUNSHINE, j’ai été très agréablement surpris ! C’était vachement intéressant, autant pour son aspect “plateforme en ligne” que pour le suivi en groupe. Il y avait une vraie cohésion. Chacun apportait son style dans ses exercices et on ne ressentait pas du tout la distance. 

Cette formation m‘a donné de la rigueur. On est pris dans une autre routine : celle de l’écriture. On doit faire les exercices dans un temps donné. Je me suis forcé à faire mes exercices au quotidien et à me créer des habitudes. Aujourd’hui je conserve cette routine d’écriture.  

Considérez-vous que vous mettez bien votre temps à profit ? Il n’est pas sacrifié ?

Non ! Je suis content de mon travail et j’utilise mon temps au maximum. Chaque chose que je fais c’est pour utiliser mon temps pleinement. Je veux rester propriétaire de mon temps et bien l’utiliser.  

Je suis jeune, j’ai 31 ans moi, mais j’ai des amis qui me disent “plus tard à la retraite…” 
Je me dis “plus tard, on ne sait pas où l’on sera !” Je suis sur du court terme. Plus tard, la retraite n’existera peut-être plus.

Mes passions sont aussi un peu des névroses ! Alors maintenant, je fais en sorte de ne pas avoir de regrets.  
Je ne veux pas arriver en fin de vie et me dire “je n’ai pas fait ci ou ça…” On a trop entendu de gens dire qu’ils ont laissé trop de temps dans leur travail.  

Moi, je suis quelqu’un qui veut toujours chercher à évoluer, continuer d’être curieux, dépasser les codes et les normes. En fait, je veux continuer à avoir un regard d’enfant. 

Les enfants sont des êtres sur qui la société n’a pas encore mis le grapin. Ils n’ont pas encore les codes. Ils sont naïfs. Et quand un enfant nous demande “pourquoi ?” on dit “parce que”  

Rentrer dans le monde des adultes nous fait voir les choses autrement. 

On ne sait pas toujours répondre parce que souvent on a oublié le pourquoi ! On a su, un temps, puis on s’est habitués et maintenant, on ne peut plus donner d’explications à nos actions ; et les enfants, parfois, nous révèlent des absurdités.  

Oui, et l’enfant lui se les pose, les questions. Et nous poussent à réfléchir autrement. 

Personnellement, je lis beaucoup de livres pour enfants de Pennac par exemple. Il écrit très simplement mais ses textes ne sont pas simplets, au contraire. À son niveau, l’auteur va enlever le superflu, il ne cherche pas à faire du beau pour faire du beau mais il va directement à l’essence.  

Et si on pouvait écrire avec pour objectif d’être compris par des enfants, on serait tous plus compréhensibles.  

Merci Anis pour ce partage, votre regard sur le monde est fascinant, ne changez pas ! 

En tout cas je tenais à vous dire que j’ai apprécié les moments de vie que j’ai découverts avec la formation. Chez SUNSHINE, j’ai toujours rencontré des personnes passionnantes. Un grand merci de nous mettre en valeur comme vous le faites. 

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Sandra

L'écriture est une passion, le web un outil de communication. Experte en rédaction web SEO et écriture littéraire, je vous apprends comment écrire pour changer de vie et je rédige pour votre site web des contenus efficaces