Vert. Cette couleur m’a soudainement choqué. Pendant quelques instants, j’ai cru être sur l’île de St Patrick, tant cela est prédominant. 

    Tout le monde sort d’un hiver quelque peu capricieux où entre deux importantes chutes de neige, le temps paraissait bien trop beau et trop chaud. Hormis les nuits glaciales, il était possible durant la journée de se balader en simple chemise, voire même maillot, dans les coins les plus civilisés. Seules deux périodes ont vraiment paru hivernales. Avant que la saison ne commence et à la fin de celle-ci. Ces deux fois, la neige est tombée violemment et s’est faite présente des jours durant.

    Durant cette période, j’étais sur une importante série de quêtes me permettant de voyager entre la vallée et la haute montagne. La plupart d’entre elles n’étaient que de l’escorte. Malheureusement, pas le genre de mission que j’aime à pratiquer tant il faut s’adapter aux imprévus. 

    Le moins déplaisant dans ce genre d’emplois est quand il ne se passe absolument rien de notable. On accueille le client et on l’accompagne jusqu’au point de rendez-vous, à plusieurs heures de marche, moins si on a la chance de disposer de montures ou d’un moyen de transport, ce qui, heureusement, est très souvent le cas. 

    Le pire n’est pas les attaques de bandit, de monstres ou des deux groupes se trouvant au même endroit au même moment. Cela, on finit par en avoir l’habitude. Si certaines sont plutôt bien préparées et donnent vraiment du fil à retordre, d’autres sont si chaotiques qu’on les voit venir. Parfois, on a même la chance de les éviter. 

    Non, le pire est le client même que l’on doit escorter. Beaucoup ne connaissent rien à la difficulté d’une escorte. Certains prennent leur temps durant le voyage, ce qui augmente les chances de subir des désagréments. D’autres veulent diriger durant l’escorte. Théoriquement, ils sont en droit. Après tout, ce sont eux qui payent. Néanmoins, en pratique, la seule chose que j’aurais à leur recommander, c’est de se taire et d’écouter. Je ne leur apprends pas à faire leur métier. Alors, qu’ils me laissent faire le mien. Les routes sont déjà bien assez dangereuses sans que des « touristes » se permettent d’indiquer la marche à suivre. 

    Ainsi est passé cet hiver. De nombreuses heures de voyage et d’escorte. Toujours le même type de route. Cela en devenait monotone. Pourtant, j’aime voyager. Toujours le même genre d’individus. Des voyageurs venus dépenser plus d’argent en une semaine que je n’en gagne en un an. Parlant des langues étrangères, la plupart du temps. N’étant pas particulièrement bilingue, il fallut que je m’entraîne et me contente de phrases simples dans la langue la plus commune. Je crois ne pas m’en être trop mal sorti.

    Au milieu des tracas et du stress causés par l’intense travail que cette froide saison demandait, je tâchais de me rassurer en constatant les fortunes que j’avais pu récolter. Le vrai point positif était là. Les heures de fatigue, les courtes nuits et les attitudes désagréables avaient beau s’accumuler, ce qui m’avait fait tenir n’était autre que l’appât du gain. Pour les aventuriers, la richesse est surtout possible durant l’hiver. En trois mois, j’avais gagné l’équivalent de cinq en saison douce. Autant dire que ça me permettait de mieux vivre, notamment en payant les quelques dettes qui me restaient encore. 

    Puis le retour du printemps. Lors des débuts officiels de celui-ci, je n’y ai absolument pas prêté attention. Comme je l’ai dit plus tôt, mis à part à deux reprises, le dernier hiver n’avait rien de standard. On aurait davantage parlé d’un long automne à bien des égards, voire d’un printemps précoce. Encore heureux que les neiges soient arrivées en début et fin histoire de marquer le coup.

    Là aussi, je pratiquais une autre quête d’escorte. Beaucoup plus courte, plus rapide et plus simple à effectuer. Rien à voir avec les précédentes. Une fois terminé, j’entrepris de rentrer et là, je me suis arrêté. Je ne sais combien de temps cela a duré. Certainement quelques secondes. Mais pendant ces quelques instants où je suis resté figé, j’ai été complètement absorbé par l’omniprésence de la couleur que je distinguais pour la première fois sur une colline qui me faisait face. De toutes parts, elle était complètement verte. Et pas n’importe lequel. Celui qui apaise. Celui qui se fait remarquer. Pas le terne. Ni le grisé. Et pas non plus un vert fluorescent ou pâle. Non, ce vert était à la fois sombre et brillant. Comme une émeraude. Comme si cette couleur était vivante et capable de me crier : « Je suis la Nature. ».

    Je crois que c’est ce que je fais en ce moment. Je l’écoute.

    Après quelques instants, j’ai entrepris de m’allonger et de me laisser bercer par cette couleur environnante. Je fais alors face à une autre couleur à laquelle je n’avais, là aussi, que partiellement prêté attention. Le ciel m’offre lui aussi une couleur digne des pierres précieuses les plus céruléennes. Me voilà baigné dans un flot d’apaisement. La première source en est la verdure émanant de tous les arbres m’entourant ainsi que du sol sur lequel je repose. La seconde est ce décor azur me surplombant sans pour autant m’écraser. Cet espace infini a beau être démesurément plus grand que moi, il ne cherche pas à m’absorber. Il m’invite simplement à le rejoindre. En cet instant, je pourrais mourir. Je n’aurai aucun regret. Je me sens bien. Ce qui ne m’était pas arrivé depuis longtemps.

    Je me rends compte en cet instant, allongé sur l’herbe douce et fraîche, contemplant le vaste ciel sans nuages, le soleil caché par les arbres, combien ces deux couleurs m’apportent un certain réconfort. Toutes deux m’apaisent, mais pas de la même façon. La première se veut plutôt passive. Comme une invitation à me laisser aller et ne rien faire. La seconde, en revanche, est bien plus active mentalement. Ma réflexion est au rendez-vous, sans pour autant être brusquée. Je suis invité à rêver. Le vert me donne le repos tandis que le bleu m’offre le songe. 

    La zone où je m’endors est plutôt bien sécurisée, mais reste sujette aux dangers. Pourtant, je trouve la sérénité nécessaire pour m’endormir quelques minutes, j’estime, et voyager au sein de l’immatériel. Mon imaginaire est féroce et prend de multiples formes. La sieste n’en sera que plus courte.

    Durant cette accalmie de paix intérieure, rien n’est venu me déranger. Sans quoi, ce n’aurait pas été un moment de calme. Combien de temps cela fait-il que je ne me suis pas laissé aller ainsi au cœur même de la Nature ? Plus précisément, au sein de cet aspect docile et tranquille. L’endroit où je me trouve est un mélange bien dosé de civilisation et de nature. Rien de trop sauvage, rien de trop contrôlé. Juste ce qu’il faut pour s’y sentir bien. Du moins, en pleine journée. Je reconnais que la nuit apporterait une toute autre ambiance. Notamment, parce qu’il me serait impossible de distinguer aussi bien le bleu du ciel que le vert de la forêt. Ce sont bien ces couleurs qui m’attirent et me reposent. Ce sont ces couleurs qui m’ont tant manqué. Durant cet hiver, je n’ai vu que gris, brun, blanc et noir. Et majoritairement dans les tons les plus ternes qui soient. Rien de bien réjouissant. 

    Peut-être étais-je en train de faire une dépression et ces deux couleurs se sont révélées salvatrices ? Sans doute que non. Je ne connais presque rien aux maladies mentales. 

    La seule chose dont je suis certain, c’est que ce vert qui m’a appréhendé en un clin d’œil m’a fait ressentir plus de bien au moral que ne m’en ont apporté tous mes efforts pour me libérer des contraintes de la société au sein de laquelle j’évolue. Mais ce fut de courte durée, hélas. Le devoir m’appelle. J’aimerais rester plus longtemps. Mais il faut éviter de profiter trop longtemps des bonnes choses. Enfin, je suppose. Est-ce qu’on finit vraiment par s’y habituer au point de ne plus les remarquer ? Sans doute que oui. Hélas. Peut-être est-ce pour ça que des couleurs ternes apparaissent de temps en temps ? Pour nous permettre de mieux apprécier la beauté des vives couleurs. 

    En cet instant, je sais que le bleu et le vert sont mes couleurs préférées et cela, je le dois au marron. Après tout, gris, blanc et noir ne sont pas des couleurs. Mais à ces manifestations de la lumière, je leur dois aussi quelque chose. J’aime la lumière. 

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Sandra

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