Je me rappelle encore très nettement ce jour-là. Ma vie a basculé, et je ne souhaiterais jamais à personne de vivre ce que j’ai subi. Tout était fait pour ce soit une belle journée, à un détail près : Etienne.
Cela remonte au 27 avril 2017. Pleine d’entrain, je commençais mon nouveau travail dans un parc d’attraction : mon rêve. L’air était chargé d’odeur sucrée provenant des différents stands de barbe à papa et autres. Cette senteur venait imprégner mes narines, me rappelant ainsi les meilleurs moments de ma jeunesse. En passant la porte du grand restaurant, je me souviens avoir senti mes lèvres s’élargir, formant le plus grand sourire que j’ai pu faire dans ma vie. Je fus accueillie par la manager, qui me fit visiter les lieux et rencontrer ma nouvelle équipe. Tous avaient l’air très gentil et attentionné, si seulement j’avais su.
Très vite, je devins amie avec Noémie, une grande brune au regard très doux, malgré le ressenti qu’elle laissait à tout le monde. Derrière ses allures de filles riches, se cachait en fait une personne dotée d’une grande sensibilité et d’une immense fidélité. Je rencontrais plusieurs collègues en ce premier jour, et fus rapidement une de ces personnes qu’on apprécie tout de suite.
Quelque temps après, je fis la connaissance d’Etienne, un des nombreux garçons de couleur de mon lieu de travail, avec qui le courant passa très bien. Les jours passaient et nous nous rapprochions beaucoup. Cet instant, où mon téléphone vibra, m’annonçant l’arrivée d’un message de sa part, fit tout basculer.
“ Je sais qu’on s’est beaucoup rapproché ces derniers temps, que dirais tu de passer à la vitesse supérieure ? On devrait se faire une soirée rien que tous les deux. Peut-être dans ton appartement, qu’en dis-tu ?”
Je commençais vraiment à m’attacher à lui. Mais mélanger le travail et la vie privée encore une fois, je n’étais pas sûre de le vouloir. Je demandais donc conseils à celle que je considérais comme ma plus belle rencontre dans cette nouvelle vie, qui réussit à me convaincre de lâcher prise, tout en faisant attention.
Ce soir-là, tout était parfait. Il était là, on regardait un bon film tous les deux sur mon lit, et je me rappelle que nous n’avions pas oublié de nous protéger quand il arriva ce qu’il devait forcément se produire.
Nous nous sommes revus plusieurs fois depuis, et au bout de quelque temps, Noémie se montrait impatiente quant à la venue des détails croustillants. Lorsque nous étions en pause, et que personne ne semblait tourner autour de nous, je l’invitais à s’asseoir sur un banc pour satisfaire sa curiosité.
– Ça alors Marie ! Ça devait être chaud tout ça ! Et le couple, il est pour quand ?
– Tu sais très bien que je ne pense pas trop à ça pour le moment. Nous verrons avec le temps.
Si j’avais su à cet instant précis, qu’une personne mal intentionnée nous écoutait dans l’ombre, je me serais abstenue de tout détail. Le lendemain, la descente aux enfers commençait.
À peine avais-je mis les pieds dans les vestiaires, que j’entendais des chuchotements provenir de tous les côtés. Que se passait-il ? À l’époque, je n’en savais rien. Noémie m’apprit alors que la meilleure amie d’Etienne nous avait écoutées la veille, et était allée le voir pour lui demander si tout était vrai. A cette interrogation, il avait répondu non. Mais pas seulement ça. À la suite de ce mot de trois lettres, il avait ajouté : “ Tu as vu comment elle est ? Pourquoi serais-je tombé aussi bas ? Elle est grosse et moche.”. En entendant ces phrases, j’avais comme l’impression que le cocon que je m’étais créé en arrivant ici, était en train d’exploser. Un tas de questions me passaient par la tête : “Pourquoi avait-il dit ça ?”, “Pourquoi n’était-il pas venu me voir ?”. Mon cœur battait à tout rompre, mais j’avais la naïveté de croire que le lendemain, tout serait oublié.
24 heures plus tard, je passais la porte du restaurant, et venant remplacer les chuchotements de la veille, les insultes à mon égard fusaient. J’étais seule. Noémie était en congé, et tous mes collègues me tournaient le dos, me prenant pour une menteuse. Les jours qui suivirent furent très douloureux, je recevais sans cesse des messages d’insultes ainsi que des appels de personnes qui n’étaient pas censées avoir mon numéro, et je me repliais sur moi-même. Noémie avait beau être là, je laissais l’état dépressif prendre le dessus.
Ne pouvant plus tenir, j’étais allée chez le médecin, et craquais devant elle, pleurant toutes les larmes de mon corps. Elle m’offrit un arrêt de plusieurs semaines, et après avoir dit au revoir à mon amie, je retournais chez mes parents.
Pendant cette convalescence, je me remettais énormément en question. J’essayais de savoir ce que j’avais fait de mal pour mériter ça, ou même encore, la raison qui faisait que personne ne me croyait. Mon amie prenait régulièrement de mes nouvelles, en faisant attention de ne pas mentionner ce qui se passait au travail. Plus les jours passaient, plus je reprenais doucement confiance en moi grâce au cocon familial. Mes parents me firent le cadeau de ne poser aucune question, et je ne les remercierais jamais assez pour ça.
Le jour de mon retour, j’avais eu la chance de ne croiser personne d’indésirable, mais honnêtement, j’aurais préféré. Le délégué syndical était là, et m’avait demandé d’accompagner une nouvelle recrue au vestiaire, et lorsque nous approchions, je distinguais deux silhouettes qui me firent baisser la tête. Etienne et sa meilleure amie.
Ils se mirent devant moi pour me bloquer le passage, sous le regard médusé de la nouvelle, et m’insultèrent devant tous les collègues qui passaient par là. Personne ne bougeait le petit doigt, personne ne me défendait en le voyant me traiter de grosse, de moche, de menteuse. Je me rappelle m’être réfugiée dans les toilettes pour pleurer : j’avais honte de moi, moi qui pensais être prête à affronter tout ça.
En sortant, le délégué syndical m’attendait, et lorsqu’il me vit, il me prit dans ses bras.
– Marie, la nouvelle est venue me voir. Je veux que tu me racontes tout depuis le début. Ne t’en fais pas, je ne laisserais pas ça impuni. En faisant tout ça, il a prouvé à tout le monde, que le seul menteur, c’est lui. Je te demande de ne rien faire, de ne rien dire, et de me laisser faire. Je m’en occupe.
Je fus prise de sanglots en entendant ça. Enfin, quelqu’un me croyait.
Quelques jours après, Noémie m’appris qu’Etienne s’était fait prendre entre quatre yeux par mon sauveur, et ne disant rien, avait encore plus appuyé sa culpabilité. Un dossier fut ouvert sur lui, et s’il recommençait ce harcèlement avec moi ou quelqu’un d’autre, il serait renvoyé. Une fois la vérité sortie, tout le monde reprit son calme, mais personne ne vint s’excuser auprès de moi. Mais je m’en foutais. Elle avait éclaté et c’est tout ce qui comptait.
Plusieurs mois après ces incidents, je trouvais l’amour. Cela fait maintenant 3 ans que je ne suis plus seule. Nombreuses personnes subissent du harcèlement au quotidien, mais tenez bon. Les personnes malveillantes ne gagneront jamais face au pouvoir de l’amour et de l’amitié.
Une nouvelle de Joanna ARGENTO – Promotion écrire un livre