Tom bondit de la voiture dès qu’elle s’immobilisa sur le parking du parc d’attractions : il attendait ce séjour depuis si longtemps… Un weekend entier à Disneyland, avec ses parents. Il ne les voyait pas beaucoup ses parents : ils partaient tôt le matin, rentraient tard le soir. Ils multipliaient l’argent selon sa mère et c’est grâce à ce travail de multiplication de l’argent qu’ils pouvaient lui offrir un weekend à Disneyland.
Tom découvrait le parc en s’extasiant : il ne savait plus où donner de la tête : tant d’attractions… De châteaux, de labyrinthes, de grandes roues, de chutes liquides. Et des barbes à papa immenses, roses, à se noyer dedans, à mourir de plaisir ! Et tous les personnages des contes, récupérés par Disney, tout ce beau monde se baladait autour de lui. Aladin lui ébouriffait les cheveux, Pinocchio lui faisait des clins d’œil et Pocahontas, la Petite Sirène et Blanche-Neige se disputaient son petit cœur presque vierge.
Il était harassé de fatigue et d’excitation en arrivant au lit le soir. Sa petite chambre d’hôtel était entièrement tapissée par les images de ses personnages favoris. En éteignant la lumière, Tom pouvait voir des milliers d’étoiles scintiller sur le plafond de sa chambre.
Il était déjà à moitié endormi quand quelqu’un lui secoua l’épaule, une voix lui chuchota à l’oreille : Tom, réveille-toi ! On a besoin de toi.
En ouvrant les yeux, il se trouva nez à nez avec Peter Pan. Surpris, il s’assit sur son lit et les vit, tous. Ils étaient tous là. Blanche Neige, les sept nains, Aladin, Cendrillon, le Chaperon rouge tenant la main du loup, Peau d’âne, Pinocchio, Pocahontas, la Petite Sirène, la Belle, la Bête. Ils tiraient de longues têtes et avaient l’air sérieux si sérieux ! Sinistres.
— N’aie pas peur, on va t’expliquer lui dit Peter Pan.
— M’expliquer quoi ?
— Qu’on a besoin de toi.
— De moi ? Pourquoi ?
— Pour éliminer tous les adultes qui nous exploitent pour faire de l’argent, encore de l’argent et toujours de l’argent. À commencer par ton père qui est le principal actionnaire de cette boîte.
— C’est mon père qui met de l’action dans Disneyland ?
— Il ne met pas de l’action, patate, il possède des actions. De l’argent qu’il gagne en nous exploitant à nous, des personnages vieux comme le monde, des leçons vivantes de sagesse transmises de génération en génération. Il colle notre peau à des gens qu’il paie peu et mal et nous devons rester scotchés à eux jusqu’au soir. Et pendant tout le temps qu’ils portent notre peau, nous, on n’est plus libres !
— Ce n’étaient donc pas les « vrais vous » que j’ai vu aujourd’hui ?
— Non, ce n’était pas les « vrais nous ». C’était notre peau, collée sur des employés. Nous, on attend le soir, dans la cabane des ombres perdues, pour récupérer notre peau. C’est pour ça qu’on vient te voir, la nuit. Nous voulons que tu nous aides à nous débarrasser des responsables et des actionnaires de ce lieu.
— Mais vous disiez tout à l’heure que mon père fait partie des actionnaires de ce lieu : vous voulez que je vous débarrasse de lui aussi ?
— Nous voulons nous débarrasser de tous les adultes qui font de l’argent en ne nous laissant pas être des enfants ou des personnages de contes. Ton père en fait partie. Il gagne des sommes immenses grâce à notre esclavage.
Tom pensa à l’expression de sa mère : « nous multiplions l’argent ». Elle ne lui a pas dit sa mère par quel moyen, ils le multiplient. Elle ne lui a pas dit qu’ils participaient au vol de la peau des personnages des contes.
— Écoutez, je suis désolée pour vous. Je vous promets d’en parler à mes parents dès que possible.
Peter Pan s’énerva :
—On ne veut plus de paroles, on veut des actes. Qui n’est pas avec nous est contre nous. Choisis ton camp Tom.
— Tu ne t’en rends compte, Peter Pan : tu me demandes de vous aider à vous débarrasser de MON père ? Mon père à moi ? Je ne pourrais jamais le faire. Jamais !
— Très bien, nous agirons donc sans toi et avec toi. Nous prendrons ta peau comme ton père contribue à prendre la nôtre. Attachez-le !
Tom se débattit tant bien que mal, mais les sept nains étaient efficaces. Ils le ficelèrent comme un jambon et le laissèrent sur son lit. La belle au bois dormant ondula alors vers lui en souriant, elle avait des yeux si doux, plein de promesses. Elle s’étendit près de lui, elle sentait la fraise tagada, puis, s’appuyant sur son coude, elle approcha sa bouche de la sienne et lui fit un long baiser. Le cœur de Tom chavira, il bascula dans un état d’hébétude béat.
La marraine de Cendrillon s’approcha de lui et l’examina. « Il plane, dit-elle » et d’un coup de baguette magique, elle lui enleva la peau qui l’enveloppait pour la déposer sur Peter Pan qui prit instantanément l’apparence de Tom.
— Tu as jusqu’à demain minuit pour agir, dit-elle à Peter Pan. Si tu arrives à gagner la confiance du papa de notre dormeur, tu pourras garder l’apparence de Tom et Tom gardera la tienne. Si tu échoues, chacun retrouvera sa peau et on tentera autre chose.
Tom se réveilla le lendemain dans la cabane des ombres perdues. Quant à Peter Pan, il fut tiré de son somme par le doux baiser de la maman de Tom. Durant la journée, entre une attraction et une autre, il s’employa à apprivoiser le papa de Tom et à le questionner sur son travail. Celui-ci était flatté par le brusque intérêt de « son fils » pour lui et pour ses occupations. Il parla, se livra, permettant ainsi à Peter Pan de le cadrer et de repérer clairement ses failles d’adulte affichant sa réussite. « Il ne me faudra pas longtemps pour le cerner et le détruire » se dit Peter Pan.
Quand le soir venu, Tom vit, de loin, Peter Pan s’éloigner dans la voiture de ses parents, il fut pris d’une immense tristesse. Il se jura de passer sa vie à récupérer sa peau et à se venger de l’ignoble tour que lui avait joué Peter Pan.
Il nageait dans l’amertume quand il sentit une bise sur son front. Tom lève-toi, tous tes amis de Disney t’attendent dehors.
Un rêve, ce n’était qu’un rêve !
– Qu’ils attendent ! Je veux rentrer à la maison.
c’est très bon…. j’ai beaucoup aimé !!
Oui Nicolas, nous avons des stagiaires très talenteux. J’ai hâte de mettre en ligne votre nouvelle également, que tous puissent vous découvrir ;-).
😉